L'Art ou Des caresses (1913)

Huile sur toile, 50,5 x 150

La scène se déroule sur un fond de marbre et de paysage antique de couleur rouge; un androgyne s'incline lentement vers la caresse d'un sphinx au corps de guépard, d'une souplesse toute féminine. Les yeux de l'androgyne nous fixent sans nous voir, comme s'il était plongé dans un rêve.

Le personnage mi-humain, mi-animal, joue un rôle important dans la peinture: tout son corps occupe un espace important de l'image, son visage féminin est celui de la femme fatale qui tente de séduire son voisin, il rend la scène totalement irréelle et permet d'imaginer qu'il s'agit d'un rêve.

Généralement, Khnopff utilise des objets ou des signes mystérieux qui renvoient, semble-t-il, à une idée. Cette oeuvre illustre parfaitement cette technique.

Quelle idée émane de cette peinture? On peut en trouver plusieurs:

  • l'animalité, la spiritualité ou l'image d'une écriture dont on ignore le code,
  • le choix de l'homme entre la puissance et le désir,
  • un mythe, celui d'Oedipe, par exemple.

Certains voient dans cet être une créature énigmatique détentrice de mystères ésotériques.

Le sentiment que l'on éprouve est ambigu, entre plaisir et douleur: le sphinx est beau et séduisant mais c'est aussi un animal sauvage, instinctif, carnivore; c'est également une femme fatale, on l'a dit. Quant à l'androgyne, il tient une sorte de sceptre ailé: il a le signe du pouvoir qui lui permet d'apprivoiser l'hybride.

Cette oeuvre pose beaucoup de questions sans donner de réponses précises. D'ailleurs Khnopff aimait à dire qu'il était plus intéressant de poser la question, d'interroger le mystère plutôt que de l'élucider. N'est-ce pas cela L'Art qui sert aussi de titre à la peinture?

Voici un texte qui pourrait illustrer le dessin

Maeterlinck, Lassitude (Serres chaudes)

Ils ne savent plus où poser ces baisers,

Ces lèvres sur des yeux aveugles et glacés;

Désormais endormis en leur songe superbe,

Ils regardent rêveurs comme des chiens dans l'herbe,

La foule des brebis grises à l'horizon,

Brouter le clair de lune épars sur le gazon,

Aux caresses du ciel, vague comme leur envie,

Pour ces roses de joie écloses sous leurs pas;

Et ce long calme vert qu'ils ne comprennent pas.

Alexandre Magal, Christophe Martin, Anthony Tacal